Les premiers traités musicaux indiens du Ier siècle avant notre ère ont décrit une grande diversité d’instruments. Ils regroupaient les instruments en quatre familles, les instruments à cordes, les instruments à vent, les instruments à membranes et ceux qui résonnent d’eux-mêmes comme les cymbales.
Les instruments indiens ont donc été utilisés depuis des temps immémoriaux, aussi bien en accompagnement de la voix qu’en utilisation solo, lors du culte et des festivités.
Ces instruments sont l'aboutissement de siècles de perfectionnement, et leur forme et leur sonorité actuelles ne peuvent être dissociées du genre musical qu'ils ont servi. Le seul instrument qui échappe à cette classification est le tambûrâ, qui accompagne le chant et les instruments solistes, quel que soit leur genre.
LE TAMBURA
Le tambûrâ
Le tambûrâ est un instrument à cordes. Les cordes sont tendues sur un manche en bois évidé, support des cordes et résonateur. Ce manche est fixé sur une calebasse qui sert de résonateur principal.
Comme le qin chinois, ainsi que les premiers instruments à cordes, le tambûrâ ne possède pas de frettes.
Le jeu se fait par le pincement des quatre cordes principales, accordées sur le SA du chanteur ou de l’instrumentiste, du PA et du SA sur une autre octave. L’élève qui a la charge de cet instrument exécute hors tempo les notes PA, SA SA SA , sur une articulation très précise, interprétée par certains musiciens comme étant le mantra OM.
Cet instrument n’est pas destiné à reproduire une mélodie, ni à suivre le tâl, mais très exactement à tapisser l’environnement du chanteur et de l’auditeur d’un arpège de notes fondamentales.
Par ce rappel permanent de la note SA, dont il a réglé lui-même la hauteur sur le tambûrâ au début du concert, le chanteur ou l’instrumentiste s'assure de garder le même SA pendant toute la durée du râg.
Pour permettre l'épanouissement de ces quelques notes, le tambûrâ dispose d’un chevalet ou pont non fixé posé sur la calebasse, le jawârî. La corde, lorsqu’elle est jouée, frôle le corps plat et large du chevalet situé en-dessous d’elle.
Cela permet d’amplifier un spectre musical beaucoup plus large que dans le cas où la corde est en contact avec un point précis du chevalet.
Ce type de chevalet dit chevalet plat, se retrouve sur d’autres instruments à cordes indiens, mais c’est sur un tambûrâ que son fonctionnement est le plus remarquable.
le jawârî
La forme et la taille d'un tambûrâ varient selon la musique qu'il accompagne : dans le khyâl instrumental, il est plus petit, peut avoir cinq cordes au lieu de quatre, et dans le dhrupad il atteint une taille importante, qui augmente sa puissance. Son utilité et son principe d’utilisation restent les mêmes dans tous les cas.
Le dhrupad est l’héritier d’une très ancienne tradition musicale, et ses instruments sont représentatifs d’une lutherie ancestrale.
LE PAKHAWAJ
Le pakhâwaj
Le pakhâvaj est un tambour à deux côtés, de forme oblongue. Ce type de tambour est des plus anciens. Le dhrupad l'utilise désormais exclusivement.
La forme oblongue a été développée pour produire deux sons différents aux deux extrémités, l'un grave et l'autre aigu (fig. 1).
Collée sur les peaux des deux côtés, une pastille noire et ronde d’environ cinq centimètres de diamètre, composée de poussière de métal liée avec de la farine, régule la vibration de la peau et développe une harmonique que l’on n'obtient que par le métal.
Le percussionniste peut régler la naissance d’une harmonique plus ou moins accentuée lors de la frappe. La présence de cette harmonique, jointe au jeu sur le grave et l'aigu, autorise un grand vocabulaire de bols.
C’est là un instrument efficace, qui permet au percussionniste des prouesses techniques dans le développement des bols.
Le son du pakhâvaj, bien que moins flatteur et plus sec que celui de son homologue du khyâl, le tablâ, sert mieux l’austérité et la technicité rythmique du dhrupad.
LE BIN ET LA RUDRAVINA
Le terme vînâ désigne un instrument à cordes courant dans toute l’Inde.
Le bîn, ancêtre de la rudrevînâ utilisée en dhrupad, est construit à partir d’un manche évidé qui sert de résonateur principal, garni de deux calebasses aux extrémités jouant le rôle de résonateurs secondaires. Les musiciens en jouaient verticalement, une calebasse sur l’épaule gauche et l’autre coincée sur la hanche droite. Cette posture qui permettait la marche a évolué vers une position plus horizontale de l’instrument, limitant son utilisation à un musicien assis en tailleur.
La taille des calebasses de la rûdrevînâ est imposante, car elle est destinée à donner de l’ampleur à cette musique dont les chanteurs se devaient d’avoir la puissance vocale de quarante buffles!
Le corps est désormais taillé dans du teck. Vingt-quatre frettes dont l'arête est recouverte de métal sont fixées tout le long de l'instrument et permettent aux quatre cordes de jeu accordées MA SA PA RE d’atteindre trois octaves sur les notes naturelles, komal et tivre. Le jeu est principalement effectué sur les cordes MA et SA. La totalité des shrutis, des gamaks et des glissandos peuvent être exécutés par des “pullings”. Cette technique, courante dans le blues américain, consiste à modifier la hauteur d’une note en tirant sur la corde, le doigt glissant sur une seule frette.
Les cordes de jeu sont pincées par l’ongle ou par un plectre métallique fixé à la fois sur l’index et le majeur de la main droite. La frappe s’effectue dans un sens, de bas en haut produisant le bol dâ, les autres bols étant réalisés par l'action conjointe des autres ongles (pouce…). Trois autres cordes accordées en SA SA SA et placées sur le côté le plus proche du musicien, servent de cordes rythmiques et de bourdon. Elles sont frappées par l’ongle du petit doigt de la main droite.
Cet instrument a acquis sa forme actuelle au cours de ce siècle, grâce à Zia Mohiuddin Dagar, qui a transformé en un instrument soliste ce qui était auparavant un instrument d’accompagnement du dhrupad.