Le Dhrupad

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Le développement du genre dhrupad a été l'une des principales évolutions de la musique classique indienne.

Le genre fut codifié dès le XVème siècle grâce à une série d'illustres poètes, musiciens et musicologues, comme Man Singh de Gwalior, Baiju Bawra, Haridas, Gopal... Il se répandit largement sous le règne de l’empereur moghol Akbar (1556-1605) qui l'appréciait particulièrement.

Au milieu du XIXème siècle, le dhrupad était enseigné en concurrence avec d'autres genres dans plusieurs dizaines d'écoles, dont il ne reste aujourd'hui que quelques-unes, en particulier celle de la famille Dagar, disséminée dans toute l'Inde du Nord, et celle de la famille Mallick.

Littéralement, le mot dhrupad provient de l'association de deux mots : Dhruv (fixe) et Pad (pied), ce qui signifie "mètre fixe". Dans la structure musicale du dhrupad l'organisation des syllabes, précisément structurées par la métrique, a une très grande importance pour l'expression du ras.

Le dhrupad s'interprète en petit comité, composé d'un ou de deux chanteurs ou solistes, et d'un percussionniste au pakhâvaj, accompagnés par deux tambûrâs.

Resté profondément hindou, même s'il est parfois chanté par des musulmans, le dhrupad est associé à des temples Vaishnaves et plus particulièrement des temples dédiés au culte de ShriNathJi (Krishna enfant). C'est aussi la musique adoptée par la religion Sikh.

Si le poème exprime quelquefois des sentiments qui semblent profanes, la direction du dhrupad reste religieuse : la dévotion Krishnaïte peut passer par l'évocation du jeu des amants dans des poèmes érotiques.
La dévotion à Krishna occupe une place importante dans ces poèmes, mais d'autres dieux hindous y apparaissent également (Shiva, Gangâ, Durgâ, Kâlî). Les textes sont parfois philosophiques, abstraits, ou mêmes satyriques.

Loin d'être fossilisé dans la sérénité, le dhrupad brûle du feu divin.

L'une des caractéristiques esthétiques les plus marquées du dhrupad repose dans un changement fondamental : celui de la langue utilisée dansle poème. Certaines langues régionales se sont imposées dans les poèmes religieux, à la place du sanscrit chanté précédemment, libérant ainsi la création des poètes.

La langue utilisée est locale, Brajbhâshâ pour la région de Mathura, langues du Madhya Pradesh et de Gwalior. Le dhrupad a été le moyen d'expression des plus grands poètes du XVIème siècle.

Le dhrupad s’inscrit dans la continuité musicale et poétique du XIVème siècle, reprenant les structures de genres musicaux religieux déjà existants comme le prabandh, une des racines supposées communes aux musiques du Nord et du Sud de l’Inde.

La poétique qui soutient le dhrupad est basée sur l'organisation des poèmes en brèves et en longues, comme nous l'avons vu dans le chapitre sur le râg, mais elle atteint ici des formes complexes.
La structure poétique du XIVème siècle exigeait des poètes un nombre fixe de pieds par vers variant de quinze à soixante-deux syllabes selon la position du vers dans le poème.

Ces poèmes, traduits pour les instruments à cordes par l'intermédiaire des bols (une longue égale dâ, une brève égale râ), forment des compositions rythmiques pour les instruments à cordes. Les ruptures entre séries de longues et de brèves étaient déterminantes pour le tâl.

Le dhrupad s'est libéré d'un certain nombre de contraintes poétiques existant à ses origines mais reste lié à une structure si complexe que la plupart des poèmes chantés dans le dhrupad contemporain ont été composés entre le XVIème et le XVIIème siècles.

Souvent les tâls spécifiques de certains poèmes ont été oubliés et remplacés par d'autres. 

© Francis Tupper - 1994-2016